mardi 22 février 2011

Objections (2/2)

10. La démocratie n’est pas possible dans une multinationale dont le patron est de l’autre côté du globe

Je connais une « multinationale » qui s’appelle France où certains électeurs sont à des milliers de kilomètres de la métropole ce qui ne les empêchent pas de participer à l’élection du Président de la République. A ce dernier de se donner les moyens de communiquer sur son programme et sur sa politique. Ce qui est valable pour un Etat l’est pour une multinationale ; les moyens techniques sont possibles, ce qui manque, c’est la volonté.

11. Organiser une élection du PDG par les actionnaires et les salariés, c’est trop compliqué et trop coûteux, surtout dans les grosses entreprises

La mise en place des élections par les actionnaires et les salariés peut en effet supposer au départ un important investissement administratif. Mais cela fait, il faudra juste actualiser les données (salariés et actionnaires sortants et rentrants) et ce ne sera pas plus coûteux que de gérer une assemblée générale d’actionnaires ou des élections de représentants du personnel, sachant qu’en moyenne l’élection du PDG se ferait tous les cinq ans.

12. A la limite, l’élection du patron serait possible si celui-ci était élu par des grands électeurs

C’est l’écueil majeur à éviter. Cette démocratie dans l’entreprise ne peut exister que si le patron est élu au suffrage universel. Si l’on ne respecte pas cette règle d’or on détourne cette démocratie de son essence qui est de faire de chaque salarié un véritable citoyen économique pour qu’il ne s’en remette pas à d’autres même s’ils sont démocratiquement élus. Ce serait la voie ouverte à toutes les tractations plus ou moins comprises par le personnel.

13. Certains collaborateurs proches de la direction n’auraient pas les coudées franches pour exprimer leur opinion ; le risque pour eux est un frein à la promotion voire le licenciement

Cette objection vaut au niveau d’un Comité de Direction dans lequel tout naturellement le PDG va s’entourer d’une équipe qui sera en accord avec sa politique. Mais ce sont avant tout les compétences qui priment ; je vois mal une direction se passer des services d’un directeur commercial ou d’un chef de projet compétent. On peut très bien exprimer son désaccord tout en accomplissant sa mission. Et même si le PDG se séparait d’un collaborateur proche parce qu’il s’est présenté contre lui à l’élection, cette décision pourrait se transformer en boomerang contre lui.

14. Dans une entreprise où le patron serait très compétent mais pas du tout communiquant ne risque-t-on pas en le remettant en question de mettre en jeu la vie de l’entreprise ?

Cette objection est tout à fait valable. C’est pour cela que je dis et redis que cette démocratie ne peut être fiable que dans des entreprises de plus de 300 personnes. Dans une entreprise plus petite, le chef d’entreprise est un homme-orchestre réunissant plusieurs casquettes et le remettre en question c’est souvent remettre l’entreprise en question. A contrario, dans une grande entreprise, le chef d’entreprise est un chef d’orchestre qui donne le rythme et le remettre en question ne remet pas l’entreprise en question. On peut changer le PDG de la SNCF, d’Areva, de Bouygues, d’Airbus… sans pour autant remettre l’entreprise en question. Ce risque, se rencontre aussi en politique où la primeur est donnée à la communication plus qu’à la compétence ; mais la communication ne fait-elle pas partie intégrante des qualités d’un homme politique ou d’un chef d’entreprise ?

15. Pourquoi chez vous, cette élection se faisait en deux temps : notation et élection ?

Justement, pour adapter cette démocratie à la petite taille de notre entreprise (160 personnes). Cette notation permettait dans un premier temps tous les défoulements possibles sachant qu’en cas de non moyenne, elle m’obligeait seulement à organiser une élection (ce qui fut le cas en 1995). Si j’avais organisé d’entrée une élection, ne fut-ce que tous les cinq ans, on m’aurait objecté que j’organisais un plébiscite parce que j’étais le fondateur de cette entreprise et qui plus est en portais la casquette de directeur commercial. Il y a mille moyens d’adapter cette démocratie dans l’entreprise. L’essentiel est que chaque salarié soit un citoyen économique et qu’il ait le droit de vote pour choisir son patron.

16. Pourquoi mettre en place un nouveau fonctionnement d’entreprise avec la démocratie alors que les SCOP existent déjà ?

Les SCOP sont en effet un modèle d’entreprise plutôt sympathique allant dans le sens de la démocratie économique mais ne peuvent pas être « le modèle ». Déjà parce que les SCOP ne distribuent pas de dividendes aux actionnaires (ce qui est un frein pour investir) ; ensuite parce qu’avec leur principe « un homme une voix » quel que soit son apport en capital, elles ne respectent pas la hiérarchie des actionnaires ; et enfin parce en moyenne 30% des salariés des SCOP ne sont pas actionnaires et n’ont pas le droit de vote.

17. L’actionnariat n’est-il pas une réponse à la citoyenneté ?

L’actionnariat répond à un meilleur partage des richesses (ce que l‘entreprise ne donne pas sous forme de salaire, elle le donne sous forme de participation). Mais avec l’actionnariat on est toujours dans la logique propriété/pouvoir alors que le seul fait d’être salarié doit donner un droit de regard sur la marche de l’entreprise. Ce sont les hommes qui font la richesse de l’entreprise.

18. En quoi l’élection du patron dans l’entreprise protège-t-elle les salariés des fermetures sauvages d’usines ou des délocalisations à motivation financière comme on l’a vu chez Molex ou Continental ?

L’élection du patron n’est que la partie visible de l’iceberg de la démocratie dans l’entreprise. Une démocratie véritable suppose un droit de veto de la part des salariés pour les décisions qui touchent la stratégie fondamentale de l’entreprise. Pour ceci, je ferai référence à ce que j’ai écrit en 1994 dans « L’entreprise démocratique » p.36 ‘Décisions soumises à l’accord des salariés : les salariés doivent être obligatoirement consultés sur toutes les décisions pouvant remettre en cause la stratégie fondamentale de l’entreprise. Lors de cette consultation, les salariés peuvent notamment s’opposer aux grandes décisions suivantes :
a – la délocalisation de l’entreprise pour laquelle l’approbation des salariés est obligatoire
b – le choix d’un nouveau partenaire et ce, quelle qu’en soit la forme : vente d’actions ou augmentation du capital. Cette opposition ne peut porter que sur le choix du nouvel actionnaire et non sur le principe de vente d’actions ou d’augmentation du capital qui reste la prérogative des actionnaires. En cas de litige, il faudra prévoir l’arbitrage d’une instance extérieure représentative des intérêts des uns et des autres.
c- tout changement d’activité.’

Vous pouvez retrouver toutes ces questions - réponse et bien d’autres encore dans le livre « L’entreprise démocratique » paru en 1994 aux Editions Chroniques Sociales, en vente directement chez l’auteur.






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Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
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