mercredi 11 novembre 2009

Daniel Barenboïm, une belle leçon de management


Dans le Figaro du 14 août j'ai été interpellé par un article de Christian Merlin sur Daniel Barenboïm[1] que j'ai trouvé assez extraordinaire. Je reprends des extraits de cet article : «Ce chef d'orchestre israélien» peu connu du grand public «a fondé en 1999 le West Eastern Divan Orchestra avec son ami Edouard Said historien de la littérature et intellectuel palestinien (...) cette initiative se plaçait d'emblée dans l'héritage de l'humanisme (...) Cet orchestre symphonique réunit pour deux tournées en hiver et en été des musiciens israéliens et arabes (…) Au fil des ans, l'orchestre a su maintenir un nombre égal d'israéliens et d'arabes, le tout renforcé par quelques espagnols (...)». Cet orchestre se produit «dans les plus grandes salles du monde : Berlin, Moscou, Vienne, Milan. Mais ni au Qatar ni au Caire où il aurait dû se produire : concerts annulés pour raison de sécurité (…) Daniel Barenboïm est tout sauf naïf (…) Il sait très bien que son initiative est loin d'être bien vue par les politiques de son pays où «plusieurs députés» n'hésitent pas «à le traiter de traître ou de voyou, les mêmes qui exigèrent qu'il soit déchu de la nationalité israélienne lorsqu'il prit, autre signe fort, un passeport palestinien (…) Convaincu qu'aucune solution militaire ne règlera le conflit (palestino-israëlien), il milite à travers l'exemple de son orchestre, jouant le rôle d'épine dans le pied, d'éveilleur de conscience, celui que jouait autrefois Yehudi Menuhin».
Dans son article, Christian Merlin nous fait part de cette anecdote particulièrement significative : «il fallait le voir au mois d'août dernier, lors du concert de clôture du West Eastern Divan à la salle Pleyel : alors qu'à l'habitude, le chef serre la main du premier violon (en l'occurrence son fils Michaël...), à la rigueur celle des chefs de pupitre ou des cordes, Barenboïm prit vingt minutes pour embrasser chacun des cent musiciens de l'orchestre. Symbole musical aussi : en faisant jouer par son orchestre la musique de Wagner, toujours officiellement interdite en Israël, il rompait une digue. Sans oublier cette expérience bouleversante : alors qu'il avait donné le choix aux musiciens juifs de jouer ou non, il proposa à une jeune Israélienne réticente de quitter l'orchestre parce qu'il la voyait pleurer en jouant Wagner, mais elle lui répondit : 'je ne pleure pas parce que çà me dégoûte, mais parce que je trouve çà beau».
Transposé à l'entreprise, cet exemple est une magnifique leçon de management. Pas d'a priori, pas de lutte de classes, refus de la fatalité du conflit ; beaucoup de simplicité, d'humilité. On pourrait imaginer un chef d'entreprise qui traite ses représentants du personnel, les syndicats, ses salariés... avec autant de respect, les invitant à donner leur avis, les écoutant et faisant d'eux de véritables partenaires, non des adversaires. Mais les esprits sont-ils prêts ? Il y a encore beaucoup de tabous à faire tomber ! La presse quotidienne met en avant les conflits, les chantages... N'y aurait-il pas mieux à faire ? Le «chef d'entreprise» Daniel Barenboïm a créé les conditions pour que chacun se sente reconnu et respecté dans sa différence, soit fier de ce qu'il fait en donnant du sens à sa tâche. C'est un bel exemple de démarche humaniste et d’Amour qui oeuvre pour abattre les murs de la différence, de la haine... qu'on devrait citer dans toutes les écoles de commerce ; tout en développant son orchestre, Daniel Barenboïm a mis en place un outil avec la Paix pour finalité ; c'est une démonstration éclatante qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre le développement économique d'une entreprise et sa finalité humaine et sociale. Oui, la refondation du capitalisme passe bien par le changement des mentalités.

[1] Chef d’orchestre israëlien qui, à l’occasion du 20ème anniversaire de la chute du mur de Berlin, vient de diriger le concert donné par la Staatskapelle à la Porte de Brandebourg à Berlin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...