mardi 2 mars 2010

Total : un conflit « exemplaire »

Le conflit Total - dont l’enjeu était la fermeture de la raffinerie de Dunkerque - a fait la une de l’actualité pendant huit jours. A plusieurs titres ce conflit a été exemplaire au sens où il est l’archétype d’un conflit social qui met en avant l’opposition entre l’intérêt des actionnaires et celui des salariés. Il pourrait être un cas d’école pour les futurs managers. Il symbolise l’opposition de deux logiques parfaitement compréhensibles et de bonne foi.
D’un côté, la logique de Total qui dit perdre 100 millions d’€ par mois dans le raffinage en France. En effet, la baisse de consommation de carburant due au développement des énergies propres fait que les raffineries du Groupe sont en surcapacité. On ne peut alors que comprendre voire approuver cette décision de fermeture du site de Dunkerque (370 personnes) ; cela procède d’un souci de bonne gestion qui fait de Total une des premières compagnies pétrolières au monde.
De l’autre côté il y a la logique des salariés et des syndicats qui, compte tenu des super bénéfices de Total – 13,9 milliards en 2008 et 8,4 milliards en 2009 – ne comprennent pas le projet de la fermeture du site de Dunkerque et le comprennent d’autant moins que la décision programmée pour le 29 mars 2010 laisse deux mois d’incertitude et que s’il y avait décision cette fermeture serait rapide. On ne peut que souscrire aux revendications salariales via les syndicats qui se sentent manipulés et considérés pour peu de choses.
Ce conflit est exemplaire en tant que cas d’Ecole au sens où il met en jeu un troisième partenaire : l’Etat. Le Président de la République a en effet cru bon de convoquer dans un premier temps Thierry Desmarest président du conseil d’administration de Total puis, le lendemain, Christophe de Margerie, directeur général de la compagnie pétrolière pour leur demander de mettre rapidement fin à ce conflit en leur rappelant que nous étions à un mois des élections régionales et que électoralement parlant cela pouvait avoir des conséquences assez graves pour la majorité.
Le lendemain, on trouvait des solutions. La réunion prévue le 29 mars a été avancée au 08 mars ; une garantie a été donnée aux syndicats qu’aucun site ne serait fermé dans les cinq ans à venir ; s’agissant du site de Dunkerque, Total s’est engagé à ne procéder à aucun licenciement : il maintiendra une activité industrielle dans la zone. Cf. Frédéric de Monicault dans Le Figaro Entreprises du 24.02.10.
Pourquoi ce revirement subit de la direction de Total ? Tout simplement parce que des pressions électorales indirectes ont été exercées.
Que pouvons-nous retirer comme leçon de ce conflit ?
Imaginons pour ceci – on a le droit de rêver – que Christophe de Margerie soit élu par les salariés de Total ; qu’aurait-il fait ? Depuis longtemps, les salariés auraient été associés à la stratégie économique de Total ; ils la connaîtraient et la comprendraient sans forcément l’approuver ; depuis longtemps, les syndicats sauraient que la baisse de consommation de carburant allait inévitablement générer des fermetures de sites ; dans cette logique, depuis longtemps des négociations auraient été mises en place ; un compromis aurait été trouvé pour qu’on ne mette pas les salariés devant le fait accompli mais qu’un préavis de trois voire cinq ans soit envisagé ; et tout ceci se serait passé sans douleur.
Dans ce conflit, la démonstration a été faite que c’est par pression électorale que les décisions prennent en compte la dimension humaine au-delà de la brutalité des chiffres.





2 commentaires:

  1. Le même constat se fait en ce moment dans le groupe Zodiac où les salariés se sentent floués par la direction qui s'octroie des hausses de salaires importantes, tout en proposant des augmentations générales de 0% pour ses cadres... malgré les très bons résultats répétés de l'entreprise depuis de nombreuses années, les discours alarmistes des dirigeants envers les salariés tranchant nettement avec celui tenu envers les actionnaires du groupe.
    Peut-être une gestion humaine et plus honnête comme ce que vous proposez aurait permis à tous cette grogne qui s'est fait sentir ces derniers jours de ne pas avoir lieu.
    Si seulement nos dirigeants vous lisaient...

    RépondreSupprimer
  2. Jacques BENOIT9 mars 2010 à 00:49

    Merci de l'intérêt que vous prenez à ce blog !
    Merci de votre commentaire que je reçois comme une marque d'encouragement pour continuer à dénoncer les dérives du capitalisme en espérant comme vous le dites que ce blog soit lu par de nombreuses personnes et en particulier par les dirigeants.
    Sans connaître la problématique de Zodiac, je pense que le fond du problème est le même que chez Total et dans bien d'autres entreprises... : manque de transparence, pas de remise en question de la direction qui n'a de comptes à rendre qu'aux actionnaires et ne peut être sanctionnée que par eux : à quand la démocratie dans l'entreprise ?

    RépondreSupprimer

Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...