mardi 14 septembre 2010

Métier ou mission de l'Entreprise


Je paraphraserai la fameuse citation de Rabelais «Science sans conscience n'est que ruine de l'âme» en disant «Métier sans mission n'est que ruine de l'Entreprise».

Un métier fait référence à un savoir faire, une compétence, une activité... que ce soit pour un homme, une association, une entreprise... La mission fait référence à l'objectif qu'on se donne à travers son métier, ses compétences. La mission est noble par excellence, elle a une finalité humaine. Métier et mission sont indissociables. Un médecin qui ne prendrait pas en compte sa mission ferait profiter de ses talents en regard de ses intérêts propres (il s'installerait dans une région «sympa» – plutôt le Sud que le Nord - sélectionnerait ses clients en fonction de leur solvabilité...). Un médecin qui aurait associé sa mission à son métier choisirait de préférence une région où il manque des médecins et soignerait sans se soucier des revenus de sa clientèle n'hésitant pas à le faire gratuitement si nécessaire.

Dans la logique de finalité financière, les entreprises oublient qu'elles ont une mission à remplir autre que celle d'enrichir leurs actionnaires. Je ferai référence au témoignage de cet ex salariée d'un centre d'appels GDF Suez paru dans le quotidien «Aujourd'hui» du 28.08.10 : «quelle que soit la raison de l'appel, explique-t-elle, chaque téléconseiller possède une liste de produits commerciaux qu'il doit coûte que coûte proposer à son interlocuteur au cours de la conversation. Cela me gênait moralement beaucoup car je pouvais avoir au bout du fil des gens dans une grande détresse financière. L'objectif premier n'est pas d'aider, mais bien de vendre, reprend Fanny, des produits ou des services qui, de surcroît, ne servent pas à grand-chose (...) Je n'en pouvais plus. La pression était toujours plus grande. Les appels étaient enregistrés et, régulièrement, on nous débriefait en les écoutant et en nous donnant des notes ! GDF Suez voulait que nous vendions toujours plus sans tenir compte des urgences. Beaucoup comme moi sont partis.»

D'autre part, Xavier Fontanet, président d' Essilor, nous dit dans son billet du Figaro du 30.08.10 intitulé «Casser des cailloux ou bâtir des cathédrales» :
«Les pays ne peuvent prospérer que par la qualité de leurs entreprises (…) Elles sont, en cette période, un lieu privilégié où l'on peut contribuer à la société, se développer soi-même et participer activement à cette mondialisation.
Contribuer, parce qu'une entreprise est avant tout au service des clients et n'existe que tant qu'elle fournit un service ou un bien attendu par ce dernier (…) Se développer soi-même, parce que l'entreprise est le lieu où l'on prend ses responsabilités, où chaque décision aiguise un peu plus la capacité de jugement, où l'on peut apprendre de ses échecs et prendre confiance grâce à ses succès.» Et Xavier Fontanet termine son billet en disant «Au Moyen-Age, un voyageur s'arrête devant le chantier de la cathédrale de Chartres et demande aux trois tailleurs de pierre qu'il croise ce qu'ils font. Le premier dit : «Je casse des cailloux». Le deuxième dit : «Je taille des pierres». Quant au troisième, il regarde le voyageur et lui dit : «Je bâtis une cathédrale». En cette rentrée, il nous faut réaliser que la construction de belles entreprises mondiales est l'aventure du XXIe siècle.»

On peut mesurer l'écart qu'il y a entre ce beau discours que nous ne pouvons qu'approuver et la réalité sur le terrain. Je ne pense pas que Fanny avait l'impression de « bâtir une cathédrale ». Ne soyons pas étonnés de cet écart quand on sait que dans les grandes Ecoles de commerce tous nos futurs cadres et dirigeants sont formatés uniquement à la performance économique et financière et que le concept de mission et de finalité humaine est complètement occulté ; l'important, c'est la compétition ; tous les moyens sont bons pour gagner pourvu qu'ils soient légaux ou qu'on ne se fasse pas prendre...

Obliger chaque entreprise à avoir une charte éthique - élaborée par tous les partenaires de l'entreprise et non concoctée et imposée par quelques uns - et surtout à la vivre, à identifier sa finalité humaine et sa mission est un des objectifs de la refondation du capitalisme.











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Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...