mardi 15 février 2011

Objections (1/2)


Lorsque je témoigne de mon expérience de démocratie dans l’entreprise (cf. billet n°1) et que j’en explique le fonctionnement, on me fait souvent des objections. Ce billet et le suivant seront consacrés à la revue de celles qui reviennent le plus souvent.

1. Depuis toujours le maître a été celui a qui appartient l’entreprise : pourquoi changer ?

Ce n’est pas parce qu’on a toujours lié le pouvoir à la propriété que les choses ne doivent pas changer ! Pendant des millénaires on a banalisé l’esclavage, on a banalisé le racisme ; mais on a bien vu qu’avec des personne comme Abraham Lincoln, Martin Luther-King ou Mandela…. les choses ont évolué. Le pouvoir lié à la propriété doit lui aussi évoluer. Ce qui fait la richesse de l’entreprise, ce n’est pas l’argent, ce sont avant tout les hommes. A ce titre, il est tout à fait logique que les hommes ait un droit de regard sur la marche de leur entreprise.

2. On ne remet pas en cause les compétences d’un patron qui a créé sa boîte

Il est vrai qu’a priori, un patron qui a créé son entreprise a toutes les compétences pour la gérer ; mais peut-être qu’au fil des années sa motivation pour développer l’entreprise n’est plus la même et que son profil n’est peut-être plus adapté à la taille et aux enjeux de son entreprise et qu’il est bon de le lui faire savoir.

3. Avec la démocratie dans l’entreprise on aura un profil de patron qui va faire beaucoup de social au détriment des résultats financiers

C’est complètement faux ! Pour faire du social et du sociétal, il faut que l’entreprise gagne de l’argent. Le PDG qui oublierait cette évidence rencontrerait vite des problèmes sociaux dans son entreprise. Par contre, il est tout à fait vrai qu’avec la démocratie le profil du chef d’entreprise va évoluer : il sera avant tout un guide et un peu moins un gestionnaire. La gestion sera l’affaire du Directeur général.

4. Pour choisir leur patron, les salariés ne seraient pas objectifs et le feraient uniquement sur des critères sociaux

Les salariés ne sont pas « débiles » et sont à même de comprendre les enjeux et les contraintes économiques, pour peu qu’on leur explique. Leur choix irait vers un patron compétent, intelligent, qui aime son entreprise et qui aime ses salariés. Il en va de la garantie de leur emploi. La preuve : lors des élections présidentielles certains candidats proposent de doubler le Smic, d’interdire les licenciements… et le moins qu’on puisse dire c’est qu’ils n’obtiennent pas beaucoup de voix…

5. Les salariés sont-ils suffisamment informés sur la marche de l’entreprise et compétents pour voter en toute connaissance de cause ?

Selon le fonctionnement actuel des choses, il est vrai que les salariés sont loin d’avoir tous les éléments pour voter en toute connaissance de cause. Et c’est là tout le bien fondé de la démocratie : un patron qui sera remis en question par ses salariés aura tout intérêt à expliquer régulièrement le pourquoi de sa politique et les salariés qui seront appelés à élire un patron seront tout naturellement amenés à s’intéresser à la stratégie de l’entreprise. On n’a pas dit ‘on n’invente pas la voiture parce que les gens ne savent pas conduire’ ; on a inventé la voiture et les gens ont appris à conduire et on a établi un code de la route. Et puis, on se rendra très rapidement compte que finalement les salariés qui vivent dans l’entreprise à plein temps ont un avis certainement aussi pertinent sur la compétence du chef d’entreprise que celui qui vit son entreprise uniquement à travers des cours d’actions. Et enfin on oublie tout simplement que ces salariés dont on doute des compétences sont les mêmes qui à l’extérieur de l’entreprise élisent leur maire, leur député, leur conseiller régional et leur président de la république !

6. Cela va mettre de la politique dans l’entreprise avec une opposition et l’entreprise n’a pas besoin de cet handicap

Cette objection est tout à fait sérieuse parce qu’en effet la politique peut générer des conflits ; mais la politique existe déjà dans l’entreprise avec les syndicats ou les actionnaires qui sont eux-mêmes souvent divisés sur la stratégie d’entreprise… Ce qui sera différent c’est que l’élection du PDG désignera une personne dont l’autorité sera légitimée par la majorité des actionnaires et des salariés pour conduire la politique de l’entreprise ce qui induira plus d’adhésion et limitera les conflits. Le PDG sera le représentant de l’intérêt de tous et non plus seulement de l’intérêt des actionnaires.

7. Ce sont les actionnaires qui risquent le plus en investissant leur argent, c’est donc à eux-seuls que revient le choix de décider

Ceci est vrai pour les petites entreprises dans lesquelles le patron risque son patrimoine personnel ; mais dans les moyennes et grandes entreprises ce n’est plus le cas ; on l’a vu dernièrement lorsqu’il y a une crise économique et financière, en termes de risques ce sont les salariés qui sont en premières lignes et risquent leur emploi
8. Le rôle des syndicats n’est pas de collaborer avec les patrons mais avant tout de défendre l’intérêt des salariés

Défendre l’intérêt des salariés c’est peut-être justement se donner les moyens de s’opposer à des décisions qui iraient à l’encontre de leur intérêt et quel meilleur moyen pour le faire que d’être partie prenante pour choisir son PDG ; une fois choisi, cela n’empêche pas de s’opposer à ses décisions. On le voit très bien dans la politique : par exemple lorsqu’un gouvernement de gauche est élu grâce aux soutiens implicites des syndicats ceux-ci n’abandonnent pas pour autant la lutte syndicale et n’ont pas peur d’appeler à la grève si nécessaire.

9. La démocratie dans l’entreprise est un frein voire un obstacle à tout licenciement économique ou délocalisation

Il est vrai qu’un patron qui licencierait uniquement pour « faire plaisir » aux actionnaires aura du mal à le faire ; mais les salariés sont à même de comprendre que la concurrence existe et que, quelques fois, il faut passer par des décisions impopulaires car il en va de la survie de l’entreprise ; seulement ces décisions doivent être expliquées, anticipées et accompagnées.







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Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
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