lundi 24 janvier 2011

« Fric, krach et gueule de bois »


Le 11 janvier 2011 France 2 a programmé « Fric, krach et gueule de bois : le roman de la crise » un magazine sur le thème de la crise financière et de l’évolution du capitalisme et de la société depuis les années 50. Les acteurs de cette émission étaient le comédien bien connu Pierre Arditi, narrateur du reportage et qui aura le rôle du candide, le co-auteur Daniel Cohen grand spécialiste de l’économie et Eric Orsenna, également co-auteur, académicien, écrivain et très au fait de tout ce qui est société et économie.

Pendant 85 minutes le film aborde l’historique économique de nos sociétés de 1950 à la crise financière actuelle ; on a parlé des trente glorieuses, des deux chocs pétroliers de 1973 et 1979, de l’influence de Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans l’avènement d’un capitalisme pur et dur, des années fric avec Bernard Tapie et Jean-Marie Messier ; on a expliqué la faillite de Lehman Brothers due à la vengeance d’Henry Paulson Secrétaire au Trésor des Etats-Unis sur Dick Fuld surnommé le gorille et PDG de la banque. On a aussi parlé des sub primes et de la titrisation, point de départ de la crise financière et sociale.

Quelle lecture peut-on avoir de ce reportage ? Quelles leçons peut-on en tirer ? Pour répondre à ces questions, il s’en est suivi un débat animé par David Pujadas. Participaient à ce débat les trois acteurs principaux (Arditi, Cohen et Orsenna) mais aussi des invités (Alain Madelin, ex ministre des finances connu pour ses positions très libérales), Xavier Mathieu (délégué CGT chez Continental qui a vécu la fermeture de cette usine) et Julienne Charton trésorière de l’UNL (Union Nationale des Lycéens) qui a fait parler d’elle lors des manifestations des lycéens sur la réforme des retraites. La réaction de ces personnages très différents a certainement été la partie la plus intéressante de l’émission.

Pierre Arditi est resté dans le rôle du candide, dénonçant cette société du fric qui ne fait pas de place à l’humain mais sans pour autant apporter de solution.
Daniel Cohen a parfaitement collé à son rôle d’économiste par une explication très technique de la crise et de ses dérives.
Eric Orsenna en tant que philosophe a déploré les excès de la société capitaliste sans pour autant la remettre en question ; il a cité l’exemple d’entreprises – entre autres dans le textile – qui, en France, continuent d’embaucher.
Alain Madelin, comme on s’y attendait, a fait l’apologie du capitalisme expliquant qu’à terme il était la réponse au plein emploi et au mieux être et que l’économie avait pour cela besoin de plus de souplesse.
Julienne Charton, 17 ans, a botté en touche lorsque David Pujadas lui a demandé s’il fallait oui ou non remettre en cause le système capitaliste, parlant alors des emplois que l’on supprime dans les services publics.
Et puis, il y a eu le témoignage de Xavier Mathieu, de loin le plus intéressant et le plus émouvant. Il a expliqué son combat pour sauver l’entreprise Continental à Clairvoix, son regret de ne pas avoir dynamité cette usine… On a été très touchés lorsqu’il nous a dit qu’il avait la haine en lui et avait perdu son âme de pacifiste.

Ce qui m’a personnellement le plus interpellé c’est Xavier Mathieu nous disant qu’il n’avait pas de patron à qui parler mais seulement des hommes de paille ; que les réels patrons, il ne les voyait pas ; peut-être que sans le savoir Xavier Mathieu a touché la raison profonde de la crise que nous vivons actuellement, raison que personne n’a évoquée dans ce débat : c’est l’évolution du profil des chefs d’entreprise. Il y a trente ou quarante ans, les capitaines d’entreprises avaient un lien direct technique avec le métier de leur entreprise : des gens comme Dassault, Renault, Citroën… était avant tout des ingénieurs ; pour eux, la valeur du travail était hyper importante ; les salariés se reconnaissaient dans leur patron qui, par sa compétence, avait une autorité toute légitime et fédérait tout naturellement ses troupes ; à cette génération ont succédé des chefs d’entreprise qui n’ont aucun lien technique avec l’activité de leur entreprise et qui sont mandatés par des actionnaires - souvent des fonds d’investissement ou fonds de pension - dont la seule motivation est le retour le plus rapide possible sur investissement ; pour eux, les hommes sont une variable d’ajustement. Recréons ce lien entre le PDG et les hommes de l’entreprise. C’est la démocratie qui en sera le moyen. Un chef d’entreprise qui devra rendre des comptes à ses salariés aura certainement un regard différent sur sa responsabilité de PDG et sur l’importance des hommes dans l’entreprise. A ce sujet, on peut remarquer que les entreprises récemment créées dont le PDG a un lien direct avec l’activité de l’entreprise – et je pense à Google, Microsoft, Facebook, Free – sont exemplaires en interne sur le plan social – et j’ai bien dit en interne.





mardi 18 janvier 2011

L’autre défi de la mondialisation


La mondialisation ne se décrète pas. Elle est l’aboutissement d’une société de progrès dans tous les domaines : les transports, les communications, la recherche, les nouvelles technologies, etc. etc. Refuser la mondialisation c’est nier le progrès.

Souvent décriée elle est à la fois le meilleur et le pire.
Le meilleur au sens où elle permet aux pays dits pauvres d’accéder à un niveau de vie plus décent, c’est le cas entre autres, du Brésil, de la Chine, de l’Inde… Le meilleur au sens où elle rapproche culturellement les peuples, ce qui est un facteur de paix. Le meilleur au sens où elle améliore les conditions de vie.
Le pire au sens où elle exacerbe la compétition avec toutes ses conséquences négatives : pression au travail, entorses à la bonne pratique des affaires, pots de vin, subventions illégales, espionnage... Le pire encore parce qu’elle accroît les inégalités : oui, comme dans toute compétition il y a des gagnants et des perdants.

Les gagnants, ce sont les multinationales qui compensent cent fois à travers leur sites étrangers ce qu’elles perdent sur leur territoire d’origine.
Les actionnaires qui profitent de la manne de ces nouvelles richesses dégagées par les multinationales ; les Echos du 07 janvier nous disaient que le CAC 40 distribuerait pour 2010 des dividendes records (40 milliards d’€, soit une hausse de 13%) et prévoyait pour 2011 une distribution de 43 milliards d’€. Autres gagnants, les grands patrons. Dans le Figaro du 15 décembre dernier ont nous dit, selon une analyse de Proxinvest, qu’en 2009 les PDG du CAC 40 ont perçu en moyenne 3,06 millions d’€ ; et ce n’est qu’une moyenne car chez Renault, Carlos Ghosn arrive en tête avec 9,2 millions d’€.

Et puis, il y a les perdants. D’abord ce sont les 1 milliard de personnes qui ne mangent pas à leur faim dont le nombre augmente chaque année et que la croissance laisse de côté ; ce sont souvent les plus modestes qui perdent leur emploi après la fermeture de leur usine (c’est le cas d’Unilever qui a fermé ses usines de thé Lipton à Marseille au profit d’autres sites à la main d’œuvre moins chère). Ce sont aussi ceux qui perdent leur emploi pour des raisons de délocalisations en Chine, à Taïwan ou ailleurs… Ce sont encore les 15 millions de français dont les fins de mois se jouent à 50 € près, les 64% qui n’ont pas eu une augmentation de salaire depuis deux ans et les 40% depuis cinq ans. Les perdants ce sont également ceux qui voient leurs avantages sociaux fondre comme neige au soleil…Luc Ferry nous disait dans sa chronique du Figaro du 30 décembre dernier qu’« il est maintenant urgent que nos concitoyens comprennent enfin que l’entrée dans le circuit du commerce et de l’économie internationale de l’Inde et de la Chine, c’est-à-dire de 2,5 milliards de pauvres qui travaillent jour et nuit pour des salaires de misère sans bénéficier de la moindre protection sociale, ne peut pas ne pas attaquer de plein fouet nos vieux Etats providence. Il ne s’agit évidemment pas d’un problème droite/gauche, mais d’une réalité que tous les gouvernements européens vont devoir affronter au cours de la décennie qui vient (…) La mondialisation entame à coup de dumping social massif les systèmes d’amortisseurs sociaux mis en place au fil des siècles dans nos démocraties ».

On l’a compris, au-delà de la compétition, l’autre défi de la mondialisation est d’atténuer ces inégalités en France et dans le monde.
En France, en l’espace de 50 ans, l’échelle des salaires est passée de 1 à 20 à 1 à 300 ; 80% de la richesse mondiale est détenue par 15% des habitants des pays les plus riches.
Mais sommes-nous prêts à relever ce défi ?
Sommes-nous prêts à revoir notre niveau de vie pour permettre à d’autres de mieux vive ? Oui ? Mais encore faudrait-il que les plus privilégiés donnent l’exemple et que nos leaders politiques l’inscrivent dans leur programme comme Dilma Rousseff qui veut éradiquer la pauvreté au Brésil l’a inscrit dans son programme . Au-delà de la morale, il en va de la paix sociale (cf. Tunisie) et de la paix dans le monde (cf. terrorisme). Cet autre défi passera par l’Ethique et les Valeurs qui sont les fondements de la refondation du capitalisme.





lundi 10 janvier 2011

L’appel


Ce billet est un appel à tous pour refonder le capitalisme. Il prend sa source dans le conflit d’une petite entreprise dont Yahoo actualité fait un parfait résumé dans son communiqué du 14 décembre 2010

« Ce lundi 13 décembre 2010 sur France 2, juste après un reportage consacré aux rémunérations mirobolantes de la Silicone Valley, le magazine « Complément d’enquête » nous a brutalement entraînés dans un univers à la fois plus proche, et si lointain : Venarey-Les-Laumes, bourg paumé de Côte d’Or dans la Bourgogne industrieuse.
Là, les ouvrières de l’usine de tubes métalliques Valtimet (groupe Vallourec) ont fait grève pendant dix jours, pour une augmentation de …20 €. Dans le silence quasi-complet des médias, et sans obtenir gain de cause.
Un conflit banal, une issue déprimante. Dans cette usine de 150 salariés, les ouvriers gagnent 1200 ou 1300 € par mois. Leur sommeil est bouffé par les trois-huit (tantôt 21h-5heures, tantôt 5heures-13heures, tantôt 13heures-21heures).
Valérie, ouvrière depuis quinze ans, augmentée de 5% en six ans.
Les caméras de France 2 ont suivi ces hommes et ces femmes dignes, solidaires, aux vies dures, aux familles malmenées par leurs horaires. Ils ne demandent pas la lune : juste 20 € par mois, parce qu’ils ont du mal à vivre. Le patron de l’usine, un homme jeune, propret et poli, ne cède pas. Il a la conviction de défendre l’entreprise. Pensez : 20 € par mois ! Discuter d’une prime ponctuelle liée aux résultats, çà oui, c’est possible. Mais une augmentation, c’est mettre en péril l’usine, assure-t-il.
Ils ont fait grève dix jours, du 22 novembre au 02 décembre. Ils se sont relayés 24 heures sur 24 devant l’usine, par grand froid, devant des braseros. Les trois-huit encore, ils ont perdu chacun plusieurs centaines d’€. Impossible de continuer sans mettre en danger leur famille. Et en France, dans ce type de conflit, les syndicats sont trop faibles pour constituer des caisses de solidarité. La mort dans l’âme, ils ont voté la reprise du travail. A pleurer. Le salaire de Valérie, ouvrière depuis quinze ans, a augmenté de 5% en six ans. Comme la journaliste de France 2, Nathalie Sapena l’a découvert dans l’Expansion, les dividendes versés par Vallourec à ses actionnaires depuis six ans ont augmenté, eux, de 1007 % ».

Combien de drames comme celui-ci faudra-t-il pour comprendre que c’est en ayant accès aux commandes de l’entreprise que les salariés pourront vraiment changer les choses ?
Combien de temps faudra-t-il aux syndicats pour comprendre qu’au-delà de toute revendication d’emploi, de salaire…l’important est de revendiquer l’accès au pouvoir ?
Combien de temps faudra-t-il aux syndicats pour comprendre que la lutte des classes est terminée et que dans l’entreprise il n’y a pas deux adversaires mais deux partenaires qui devraient être à égalité de droits et de devoirs ?
Combien de temps faudra-t-il aux syndicats pour comprendre que l’affrontement direct est stérile (cf. l’échec sur les revendications des retraites) et que c’est dans la voie de la coopération que leurs revendications obtiendront satisfaction ?
Combien de temps faudra-t-il aux politiques pour comprendre que la prochaine étape sociale à franchir est la démocratie dans l’entreprise ?
Combien de temps nous faudra-t-il à tous pour comprendre que pour refonder le capitalisme il faut réformer la cellule de base de l’économie qu’est l’entreprise ?












lundi 3 janvier 2011

Fracture sociale et discrimination positive


Dans Le Monde du 16.12.10 Luc Bronner  parle d’un rapport inédit réalisé par L’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS) qui révèle que la fracture sociale s’aggrave entre les 751 banlieues sensibles et le reste de la France avec le risque d’une inquiétante ghettoïsation qui ne peut que favoriser le communautarisme.

Le taux de chômage dans les zones urbaines sensibles (ZUS) a atteint 18,6% contre 9,8% pour la moyenne française. Plus grave, 43% des jeunes hommes actifs et 37% des jeunes filles actives sont au chômage, on enregistre deux fois plus de personnes sous le seuil de la pauvreté, paupérisation augmentée par les mouvements de population : chaque année, 7% des habitants quittent ces quartiers et sont remplacés par des gens plus pauvres encore. La part des familles monoparentales (absence de Père) atteint 25% contre 15,8% en moyenne dans l’Hexagone. Cette pauvreté entraîne son lot de dysfonctionnements (délinquance, exclusion, dégradation de l’environnement...).

Ce problème des banlieues est un véritable casse-tête pour nos hommes politiques. Déjà en 1990, François Mitterrand avait tiré des leçons des émeutes de Vaulx-En-Velin en créant le premier Ministère de la Ville. On a ensuite créé la police de proximité, on a aussi renforcé la présence policière. Mais toutes ces mesures agissent sur les conséquences et non sur les causes. On ne peut que constater l’impuissance des pouvoirs publics - de gauche comme de droite - à enrayer ce que Jean-Louis Borloo avait appelé un « cancer de la République ». Aujourd’hui, pour expliquer ce bilan peu flatteur, on met généralement en avant la crise économique ; alibi facile qui dédouane nos responsables politiques.

Et si la cause profonde du malaise des banlieues était avant tout un problème de chômage ? Et si nous comprenions que c’est en favorisant l’emploi des personnes habitant ces banlieues par la discrimination positive que nous aurons des amorces de réponses ? On a dans ce sens créé des zones franches avec avantages fiscaux à l’appui pour inviter les entreprises à s’installer dans ces banlieues sensibles. Malheureusement, on voit bien que ces entreprises emploient le plus souvent du personnel domicilié hors de ces zones. Alors, pourquoi ne pas exonérer de charges les salaires des personnes habitant dans les ZUS ? Avantage qui inciterait beaucoup d’entreprises à embaucher ces personnes défavorisées. Cette mesure serait bien plus utile que celle en vigueur sur l’exonération des charges des heures supplémentaires d’ailleurs très controversée ! Autre piste : pourquoi ne pas imposer des quotas d’embauche pour les entreprises comme c’est pratiqué pour les personnes handicapées ? Les avantages de cette discrimination positive seraient quadruples : abaissement de la pauvreté, abaissement de la délinquance, amélioration de l’image des ZUS et incitation à habiter ces zones.

Ces mesures s’inscriraient tout à fait dans l’esprit de la refondation du capitalisme mais iraient bien sûr à l’encontre de tous ceux qui veulent un maximum de liberté pour les entreprises quitte à faire beaucoup de dégâts collatéraux.







Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...