jeudi 27 août 2009

Quand charité ne rime pas avec solidarité


Deux mots apparemment très proches voire indissociables et pourtant si différents tant dans l'esprit que sur le fond et la forme !
La solidarité est une aide ponctuelle ou permanente – morale, matérielle, financière, physique... - à une personne en difficulté : accident, problème de santé, problème financier … La solidarité suppose un intérêt ou une cause commune ; on a vu récemment des paysans français manifester à Bruxelles avec d'autres paysans de l'Europe. Il est beaucoup plus difficile d'être solidaire lorsque nous avons peu de points communs ou que l'autre nous est différent ; c'est alors que devrait intervenir la charité..
La charité est une aide purement gratuite ; les Restos du coeur, la Fondation de Mère Teresa ou celle de Soeur Emmanuelle sont exemplaires en matière de charité ; la Fondation de l'Abbé Pierre serait elle, beaucoup plus dans la solidarité puisqu'elle demande en contre partie que les personnes aidées participent à cette aide.
Dans la solidarité, la dignité de l'homme est préservée ; qui ne connaît pas la fameuse expression «il vaut mieux apprendre à un homme à pêcher plutôt que de lui donner un poisson» ? Dans la solidarité on travaille sur les causes réelles du problème en essayant d'y remédier ; dans la charité, on est dans l'urgence et, le le plus souvent, le moteur, c'est l'émotion ; la charité n'a pas pour vocation de changer les règles du jeu. Les américains fonctionnent essentiellement à la charité ; chez eux chaque entreprise importante a une Fondation ; ils ne se posent pas la question de savoir pourquoi 14% d'entre eux sont sous le seuil de la pauvreté ni pourquoi 46 millions d'entre eux n'ont pas accès à la santé ; cela fait parti de leur fonctionnement et la charité est là pour compenser ces dysfonctionnements. Barak Obama commence à comprendre l'anomalie de cette démarche et s'apprête à mettre en place un système de solidarité sociale : mais combien d'américains sont-ils prêts à le suivre ?
A l'occasion de la mort de Soeur Emmanuelle, Michel Drucker a rediffusé l'émission qu'il lui avait consacrée quelques années auparavant ; pendant plus de deux heures on a vu des témoignages élogieux de personnes de tous bords sur l'action de Soeur Emmanuelle ; mais à aucun moment on s'est demandé pourquoi tant de misère en Egypte, aux Philippines, au Soudan ? Comme si cela était aussi naturel qu'un tremblement de terre !
Et si notre ambition était d'associer la solidarité à la charité ?
Dans un reportage récent de l'émission «Envoyé Spécial» diffusé par France 2 sur le commerce équitable, le journaliste demande au Père Francisco Van der Hoff son fondateur si le commerce équitable n'était pas de la charité ; le Père s'est mis en colère et a répondu que le commerce équitable n'était pas un commerce de charité mais un commerce juste – il aurait pu ajouter solidaire - dans lequel les agriculteurs sont payés de manière à vivre décemment de leur travail. Le commerce équitable est l'exemple parfait d'une action qui intègre charité bien comprise et solidarité, respecte la dignité de l'homme et apporte des réponses sur le plan économique pour plus d'équité dans les relations commerciales.
Chez nous beaucoup pensent que quantité de personnes sont trop assistées ; et c'est vrai en partie : allocations par ci, allocations par là... Et si ce que nous versons indirectement sous forme d'aide nous le versions directement sous forme de salaire, ne croyez-vous pas que les personnes aidées gagneraient en dignité ? Ce qui n'empêcherait pas de conserver le système de solidarité déjà mis en place pour les personnes ayant perdu leur emploi, pour les familles nombreuses...
La charité est souvent un alibi qui nous donne bonne conscience ; on a donné un euro à un mendiant, on a participé au téléthon : on est tranquille !
La solidarité nous fait nous demander pourquoi il y a tant d'exclus et remet en question nos privilèges et le fonctionnement de la société.
La charité est un acte gratuit pour porter aide aux plus démunis mais qui ne se pose pas toujours la question des sources du problème. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : la charité est efficace, respectable mais un peu comme des lunettes de soleil qui modifient la perception des choses. Avant l'abolition de l'esclavage, les maîtres – souvent bons chrétiens – pouvaient être très charitables avec leurs esclaves mais ne remettaient pas forcément en question l'esclavage en lui-même.
En matière d'entreprise la charité est le fondement du paternalisme.
Beaucoup trop de patrons pensent qu'un bon salaire suffit à répondre aux besoins des salariés. Et si, au-delà de ses besoins matériels, l'homme avait soif de dignité, de reconnaissance ? Ne s'agirait-il pas là d'un des fondements d'un bon management ?
La charité est de l'ordre de la morale, la solidarité est de l'ordre de l'éthique. C'est en associant les deux que nous trouverons les réponses.
Et pour terminer ma réflexion d'aujourd'hui, je voudrais vous poser cette question qui fera l'objet de mon prochain billet de blog : dans l'aide que les pays riches apportent aux pays en voie de développement, quelle est en pourcentage la part d'intérêt personnel, de charité et de solidarité ?



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Bienvenue !

Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
Le G20 a montré du doigt les paradis fiscaux et a remis en question les bonus des patrons. Mais nous l'avons bien compris : rien de fondamental pour le capitalisme dont la pierre angulaire est la loi du plus fort.
Il y a donc urgence à faire émerger des idées concrètes pour refonder le capitalisme et donner de l'espoir à ceux qui se refusent politiquement parlant d'avoir à choisir entre une droite qui fait allégeance complète au capitalisme, une gauche en panne d'imagination et une ultragauche en pleine utopie.
Voilà tout l'objet de ce blog : exprimer des idées, réagir, commenter ...