mardi 8 mars 2011

Une autre lecture de l’affaire Molex

Le vendredi 28 janvier 2011, ARTE a programmé un documentaire intitulé « Les Molex, des gens debout ». Un reportage de José Alcala qui, trois ans après, faisait l’historique de cette affaire qui défraya la chronique en son temps (cf. billet n°20 ) .

Que peut-on retenir de ce reportage ?
283 salariés qui se battent jour et nuit pour sauver leur emploi. Des salariés qui ne comprennent rien à la décision de suppression de leur site alors que trois mois auparavant on les avait félicités pour la performance de leur entreprise qui avait fait 640 000 € de bénéfice en 2006/2007 et 1,2 million en 2007/2008. Dans ce petit village de Villemur/Tarn de 5000 habitants, cette décision d’arrêter l’usine MOLEX qui, depuis 1941, est spécialisée dans la connectique automobile fait l’effet d’une bombe. Tout le monde se mobilise pour sauver le site de MOLEX : le curé, le maire, le député. Les salariés montent à Paris pour manifester et rencontrer le ministre de l’industrie, Christian ESTROSI à l’époque. Cela remonte jusqu’au Président SARKOZY qui promet d’intervenir. Dans ce reportage de 1h30 on voit le drame de ces familles qui n’ont plus de salaire et se demandent comment elles vont pouvoir vivre demain. Les gens sont écoeurés devant le cynisme de MOLEX, entreprise américaine qui emploie trente mille personnes dans le monde et qui, sous prétexte d’améliorer sa rentabilité, n’hésite pas à mettre 300 personnes au chômage. Rien n’y fait pour infléchir leur décision. Même l’ordonnance du juge des référés qui ordonne à MOLEX de laisser les ouvriers reprendre leur travail ne les fait pas changer d’avis ; on voit les vigiles empêcher les personnes d’entrer. Finalement, en octobre 2009, après une bataille de plus d’un an, le fonds d’investissement HIG rachète le site MOLEX pour 1€ symbolique garantissant 15 emplois : une misère ! Ils sont aujourd’hui 45 à travailler sur le site. En 2010, MOLEX a fait des bénéfices record de 50 millions d’€. En mars 2010, Eric WOERTH, le Ministre du travail de l’époque, donne son accord pour le licenciement des délégués du personnel.

La conclusion est évidente : l’appétit des actionnaires est sans limites. Peu importe les hommes, peu importe les décisions de justice. Nous sommes dans la grande délinquance.

Voici la lecture que l’on peut faire aujourd’hui de cette malheureuse affaire, lecture sur laquelle on ne peut qu’être d’accord.
Mais à la vue de ce reportage il y en a peut-être une autre.
Au début, on entend le témoigne d’Olivier DEGAUQUE de SYNDEX (Société spécialisée dans l’accompagnement des comités d’entreprise pour l’analyse des enjeux économiques et financiers) ; cet expert nous dit qu’en 2004 MOLEX rachète l’entreprise connecteur SINCH au Groupe CNECMA (actuel SAFRAN, société dont l’Etat français a 30% d’actions) ; qu’à l’époque il avait rencontré les dirigeants de MOLEX et que ce rachat ne présentait aucun projet industriel, aucune perspective de développement, aucun plan d’investissement. Olivier DEGAUQUE rajoute même qu’un enfant de huit ans aurait pu le comprendre ! Devant ce rapport désastreux, le Comité d’entreprise et les délégués ont vite compris que cette vente ne devait pas se faire et ont tout de suite saisi les politiques (à l’époque François FILLON, Ministre de l’industrie). Il leur a été répondu qu’ils ne devaient pas être inquiets, que c’était une chance pour eux d’être adossés au numéro 2 mondial de la connectique.

Et si la source de tous ces problèmes était là ? Jamais François FILLON n’aurait dû donner son accord pour la vente de SYNCH à MOLEX et les salariés auraient dû pouvoir s’opposer à la vente de leur usine comme le leur conseillait l’expert de SYNDEX. Possibilité prévue dans le cadre de la démocratie dans l’entreprise (cf. billet n°91 objection n° 18). Cette lecture différente met en lumière l’urgence de changer les règles du jeu dans l’entreprise et de donner aux salariés le pouvoir de s’opposer à des stratégies uniquement dictées par des considérations financières.







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Le 4 avril 2009 à Londres se sont réunis les chefs d'état des pays les plus riches de la planète : le G20. L'ambition affichée était de refonder le capitalisme (cf. N. Sarkozy). En fait de refondation, nous avons eu droit à un ravalement. On connaissait le bluewashing, le greenwashing, maintenant nous connaissons le whitewashing.
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